Celui qui aura été surpris par le clip Take Me To Church d’Hozier fera une attaque cardiaque en découvrant Father Project de Tooji. Le baiser échangé par les deux hommes du premier clip n’est qu’une boutade comparé à la relation sexuelle du prêtre et le chanteur norvégien, scène lancée devant les yeux éblouis d’une communauté de fidèles. Finissant sur le symbole de l’égalité, prônant le pouvoir des droits humains sur la religion, ce clip est le reflet d’un siècle où la tolérance semble être devenue sa devise. Mais la réalité est nuancée et les réalisateurs de clips vidéo aiment à nous les faire découvrir en musique.
Coup de cœur. Sorti le 5 novembre dernier, Le Refuge troisième album en date des nantais La Belle Bleue s’est fait ressentir dans le monde de la chanson française. Une sacrée surprise qui m’a fait aimer et mieux appréhender ce genre musical. Formé il y a dix ans, le quintet porte son amour pour la musique et les mots. D’emblée la complémentarité artistique des cinq musiciens fusionne. On a alors l’occasion d’assister à un mélange atypique ; pour les situer dans le contexte, La Belle Bleue ce sont à la fois les rythmiques festives des Ogres de Barback avec la linéarité des paroles de Miossec en passant par les terrifiques roots que délivre Keziah Jones. Tout en légèreté, La Belle Bleue nous fait entrer dans un univers riche en références et en rêves. Je vous propose de partir à la découverte d’un nouvel album dont on ne réchappe pas indemne.
L’écoute de Refuge s’amorce avec le morceau Passager, titre entraînant qui donne sans attendre la teneur de l’album. La chanson laisse libre cours à une ambiance de concert de rue, on pourrait même se demander si l’on assiste à un concert de saltimbanques qui jouent avec leur public sur leurs émotions et déhanchés. Premier morceau festif, vif, simple accompagné de percussions, les chœurs qui bordent la chanson sur les refrains nous font de suite rentrer dans un univers basculant entre des sonorités africaines et bretonnes. Le voyage peut donc commencer. Sans vous décrire les 13 chansons de l’album une par une parce que ce serait d’abord très long vu les influences diverses et variées, je propose de vous parler des chansons qui m’ont particulièrement marquées. Je pense notamment à Adrénaline. Adrénaline. nom féminin: l’adrénaline est une hormone qui accélère le rythme cardiaque. Rythme personnifié par celui que les instruments musicaux orchestrent, les guitares électriques électrifiant littéralement la rythmique du morceau. Dans cet album nous retiendrons aussi Les éléphants du Morimondo, morceau empli de percussions, de boites et caisses à son – peut être le cajon – mais qui se fait toutefois plus doux. C’est un album qui vague indéniablement entre chaque morceau dans une linéarité parfaitement maitrisée, tantôt punchy, tantôt doux, et même parfois les deux; c’est en fait un opus incroyablement compliqué à décrire. Mention spéciale à La valse du miroir qui débute avec un joli solo au piano.
Mais forcément, vous vous en douterez, j’ai un morceau préféré dans cet album. C’est le titre éponyme Le Refuge, titre mis en avant sur la pochette de l’album et air qui annonce une chanson tempétueuse mais pas colérique. Le refuge c’est le moyen de se protéger, de l’éviter mais de quand même voir passer cet orage. Morceau qui donne la bougeotte, Le Refuge peut s’écouter sur les bords de mer en plein chaos météorologique, on y retrouve des airs bretons plaisants somptueusement mélangés avec des roots et un air de reggae. Les riffs de guitare répétitifs rencontrent la voix du chanteur principal René Bergier qui slame et scande son texte sur un fond énergique de batterie.
Avec à leur actif plusieurs reconnaissances dans le monde musical, comme un passage au festival de Poupet en 2012 (et vainqueurs du tremplin), plus de 16000 exemplaires écoulés de leur deuxième opus Morceaux de papiersorti en 2010, on pense qu’ils ont trouvé leur équilibre. Inventeurs français du « roots n’ roll », ils basculent du rock au reggae et nous font voyager, c’est exotique et c’est ce qu’on attendait. La Belle Bleue a su se faire apprécier parmi les plus grands de la chanson française et a pu jouer à leurs côtés: M, Keziah Jones, Miossec, Les Ogres de Barback ainsi que Hubert-Félix Thiéfaine. Par ailleurs, on attend un nouvel album, oui déjà, qui se fera à la hauteur de ce même album, ni plus ni moins.
Remerciements à La Belle Bleue pour le délicieux moment passé à écouter leur musique. Merci également à L’atelier d’En Face (www.latelierdenface.fr)