Nawak, Acé : le dessin de presse VS l’islamophobie

Dossier: Nawak, Acé: le dessin de presse VS l’islamophobie

ACÉ

Dessinateur autodidacte, il commence à dessiner en 2010 lors de ses études et officie comme dessinateur de presse pour l’ancien hebdomadaire Bakchich. En 2016, L’Express offre au jeune dessinateur l’opportunité de devenir blogger pour marquer une évolution au sein de leur ligne éditoriale. Il collabore aussi avec des journalistes indépendants notamment Jean-Noël Cuénod (Le Temps).

Suite aux attentats à Charlie. Pourquoi selon vous le dessin peut-être toujours plus fort que les armes ?

Il me semble que depuis toujours, et déjà avant l’attentat de Charlie Hebdo, le dessin est plus fort que les armes et le restera. D’abord par définition il n’en est pas une, ensuite parce qu’il a le pouvoir de faire rire, enfin parce l’arme tranche et donne une réponse certaine et définitive alors que le dessin, au contraire, pose une question, assume son doute et favorise les discussions. J’ai tendance à considérer que la certitude absolue est au pire une défaite de l’intelligence, et au mieux une nécessité d’action. A ce titre la tuerie de Charlie est pour moi la preuve de la défaite des armes face aux crayons : c’est un peu comme le joueur d’échec excédé par sa défaite annoncée qui renverse la table de jeu…

Acé1

Pour participer au sujet du Burkini vous avez choisi un axe très intéressant et quasiment impartial. Doit-on comprendre qu’un dessinateur de presse peut aussi interroger les lecteurs et citoyens français en cherchant un axe impartial ?

C’est une question qui me semble très pertinente, car elle adresse directement une de mes problématiques majeures. L’objectif d’impartialité s’inscrit pour moi encore une fois dans la logique d’incertitude. J’essaie de m’adresser à tout le monde, sans cliver et en exprimant une humeur que j’espère la plus collective possible. Je pense que tous les dessinateurs ne fonctionnent pas comme ça, notamment sur le sujet précis du Burkini. En fait mon parti pris c’est celui de l’humour, de l’absurde, des paradoxes. Même s’il y a une position dans un dessin, je recherche la spontanéité, voire une certaine forme de naïveté enfantine, avec pour objectif que chaque lecteur puisse se dire « ce monde n’est pas sérieux ».

Acé2

Les attentats à l’aéroport Atatürk vous ont inspiré un dessin qui rappelle que les musulmans sont – pour une partie de l’opinion – les premières personnes à manifester leur désolidarisation envers l’Etat islamique alors qu’ils en sont eux aussi victimes. Est-ce que ce dessin peut s’appliquer au contexte français ? Et partagez-vous comme Nawak ce sentiment de division entre les musulmans français et leurs concitoyens ?

Ce dessin peut tout à fait s’appliquer au contexte français et par exemple au cas de l’attentat de Nice, duquel beaucoup de Français musulmans ont été victimes. Et comme vous le faites remarquer il est toujours important de rappeler les conditions des musulmans en Irak, Afghanistan, Yémen ou Syrie qui sont, comme les minorités de la région, victimes des terroristes. Mais il y a, je pense, une importante distinction à faire entre l’idéologie et les personnes. Pour moi, toute idéologie est critiquable, voire attaquable. En revanche, les personnes et leurs sensibilités sont à traiter avec discernement et empathie. Le problème est peut-être parfois quand les personnes pensent faire corps avec leur idéologie. Concernant Nawak, que je trouve très bon, je ne connais pas assez précisément sa ligne éditoriale pour en parler. Mais personnellement j’essaie de varier les sujets et notamment de ne pas faire d’emphase systématique sur les thèmes qui divisent. Le simple fait de dessiner sur un sujet de clivage c’est renforcer l’existence de ce dernier. Il existe, certes, un sentiment de division entre les Français musulmans et les non musulmans, tout comme il peut exister un sentiment de division au sein des musulmans eux-mêmes ou chez les chrétiens par exemple. Je cherche à dénoncer les paradoxes et les injustices avec humour et sans « sur-passionner » le débat. Il y a, pour finir sur la division, une phrase de Hegel que j’aime bien : « Il faut surmonter dialectiquement notre altérité réciproque », elle peut paraître alambiquée mais est en fait très forte, elle nous dit à la fois que la division n’est pas définitive et que c’est par le dialogue qu’elle s’estompe. Ce dialogue est un travail de tous les jours et qui peut et doit se faire aussi par l’humour et le dessin.

Blog « Les dessins d’Acé »

Facebook

Twitter

→ Page suivante: l’islamophobie dans le monde

Une réflexion sur « Nawak, Acé : le dessin de presse VS l’islamophobie »

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.