Créée en 1954 par l’Abbé Pierre, l’association Emmaüs continue à faire parler d’elle, par ses actions, mais aussi son dynamisme porté par des compagnons toujours plus fidèles et nombreux. C’est d’ailleurs lors d’une visite anodine de l’Emmaüs de Lescar-Pau, que le duo de réalisateurs Benoit Delépine et Gustave Kervern a eu l’idée de cette nouvelle comédie intitulée I Feel Good. Une satire sociale, porteuse d’espoir.
Synopsis : Monique dirige une communauté Emmaüs près de Pau. Après plusieurs années d’absence, elle voit débarquer son frère, Jacques, un bon à rien qui n’a qu’une obsession : trouver l’idée qui le rendra riche. Plus que des retrouvailles familiales, ce sont deux visions du monde qui s’affrontent.
Benoit Delépine et Gustave Kervern ne sont pas à leur coup d’essai, après Aaltra (2004), Avida (2006), Louise Michel (2008), Mammuth (2010) et plus récemment Saint Amour, le duo de réalisateurs ne manque pas à l’appel de cette rentrée 2018. Les handicapés, les suicidaires, les marginaux, les déclassés sont d’autant de thèmes mais aussi, de valeurs humaines que ces deux trublions souhaitent partager avec leur public.
« Un film basé sur les rejetés et les déclassés »
Dans une interview accordée au journal breton Le Télégramme, ces deux derniers déclaraient : « Tous nos films sont basés sur les rejetés, les déclassés, ceux vers qui nous voulons aller. » Ne pas oublier ceux qui nous entourent, ceux que l’on ne voit pas, c’est un peu leur philosophie et leur leitmotiv, déclarent-ils un soir d’avant-première au Lux, une salle de cinéma à Caen. Une transition toute faite et toute trouvée, avec leur nouveau film I Feel Good, qui, 64 ans après la création d’Emmaüs, redonne un coup de fouet à l’association tout en mettant à l’honneur des compagnons restés jusque-là dans l’ombre.
Cinq années d’écriture auront été nécessaires pour qu’I Feel Good puisse voir le jour, cinq ans pendant lesquels ils prendront conscience des changements sociétaux. « Avant, la personnalité préférée des Français, c’était l’Abbé Pierre. Maintenant, il s’agit de Cyril Hanouna, sauf que lui, il n’a pas encore réussi à meubler notre chambre », finiront par préciser avec ironie les deux réalisateurs.

Une critique de l’individualisme
Une comédie en tout simplicité, où il est inutile de chercher de nombreux champ contre champ, puisqu’il n’y en a qu’un précisera Benoît Delépine avec ironie. Une volonté assumée de ne tourner qu’avec des plans séquence, rendant la possibilité au spectateur de se focaliser sur l’élément qu’il souhaite. Ainsi, à la manière d’un bon vieux Chaplin, les deux réalisateurs font de I Feel Good un feel good movie, libre à vous d’y voir une subtile connexion. « Au-delà des nombreuses scènes grotesques faisant l’unanimité auprès des spectateurs, il s’agit de délivrer un message fort », souligne Gustave Kervern. Une critique assumée de l’individualisme exacerbé, mais aussi du capitalisme poussant chacun d’entre nous dans un consumérisme effréné et dans une quête acharnée du profit.
Pour Benoît Delépine, s’il y avait une chose à retenir d’I Feel Good, « c’est qu’il est possible de vivre modestement sans être forcément malheureux, que l’on soit beau, riche, jeune, vieux, con, le plus important est de se sentir à sa place ». A mi-chemin entre l’utopie et la dystopie, cette comédie s’est donnée pour vocation de faire ressortir l’espoir là où il n’y en a pas, ou du moins plus beaucoup. Une satire sociale et politique aux goûts du jour, d’autant plus poignante dans un contexte où traverser la rue suffit à décrocher un emploi. À défaut de traverser la rue ou même de trouver un emploi, rendez-vous en salle à partir du 26 septembre.
Antonin Bodiguel