Gravity, c’est un film qui revient de très loin. Sans faire l’historique de toute la production, scénario écrit en famille il y a de ça plus de 6 ans, création d’une technologie révolutionnaire et unique pendant 4 ans pour permettre le tournage du film, désaffection d’acteurs (dont Angelina Jolie et Robert Downey Jr notamment)… Tout est là.
Synopsis : Pour sa première expédition à bord d’une navette spatiale, le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l’astronaute chevronné Matt Kowalsky qui effectue son dernier vol avant de prendre sa retraite. Mais alors qu’il s’agit apparemment d’une banale sortie dans l’espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l’univers. Le silence assourdissant autour d’eux leur indique qu’ils ont perdu tout contact avec la Terre – et la moindre chance d’être sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d’autant plus qu’à chaque respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d’oxygène qu’il leur reste. Mais c’est peut-être en s’enfonçant plus loin encore dans l’immensité terrifiante de l’espace qu’ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre…
Le film a tout connu, notamment des problèmes qu’aucun autre film n’avait eu à connaître auparavant tant la méthode de tournage a été unique. Tout cela pourquoi ? Tout simplement le film le plus révolutionnaire depuis très longtemps, à faire passer Avatar pour une aimable plaisanterie et une claque de cinéma comme je ne m’en étais pas prise depuis Le Retour du Roi. Attention, en allant le voir au cinéma, vous participerez à une évolution majeure dans l’Histoire du 7ème art, vous êtes prévenus !
Une expérience des sens
Déjà qu’il est difficile de critiquer un film d’une ampleur pareille, je me trouve en plus dans l’impossibilité de vous parler de l’histoire du film. En effet, spoiler le film reviendrait à vous gâcher 50% de l’expérience, ce qui serait dommageable vu les qualités et surprises que réserve le scénario. Je ne peux, par conséquent, que vous encourager à absolument boycotter toutes autres critiques, bandes annonces, etc. avant d’avoir vu le film pour profiter pleinement du voyage. Ce que je peux vous dire par contre, c’est que le scénario est brillant. On ne voit pas passer les presque deux heures tellement nous sommes pris en haleine par l’histoire. Jusqu’aux 3 dernières minutes, impossible de dire comment le film va se terminer ou ce qui va se passer la minute suivante. De plus le film n’est pas qu’un « simple » survival comme avait pu l’être Alien en son temps. Le scénario de Gravity, écrit pour l’occasion en famille puisque coécrit par Alfonso Cuarón (brillant réalisateur d’Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, Les Fils de l’Homme, Y Tu Mama También) beaucoup trop méconnu du grand public, et son fils Jonás Cuarón n’a pas moins l’ambition que de faire un film sur l’humanité.
Les métaphores se multiplient autant que les enjeux dramatiques, les émotions décuplées par les questionnements métaphysiques que pose le film. La narration a en plus l’intelligence d’être subtile, de ne pas tomber dans les travers hollywoodiens tels que les explications à tout va, le pathos ou le côté héroïque. En résistant à la pression de la Warner de nous montrer autre chose que ce que voit le docteur Stone, le propos gagne en efficacité car le spectateur est aussi perdu que l’héroïne.
Pour faire simple, imaginez un film qui techniquement fout une claque à Avatar (la 3D de Gravity est tout simplement la meilleure 3D que j’ai pu voir de ma vie, idem pour les effets spéciaux), aussi fort en émotion que le 1er Alien ou Inception, avec l’ambition visuelle et scénaristique de 2001 l’Odyssée de l’espace et des films des Wachos (Matrix et Cloud Atlas) mais racontant une réelle histoire compréhensible du début à la fin. C’est bon, vous y êtes ? Voilà, vous avez Gravity, film traitant de la solitude, de la vie, de la mort, de la renaissance, de la foi, de la peur, des enjeux écologiques de la planète, de la création et de la destruction…
Pas moyen de deviner la fin
Le film fait partie de ce petit club fermé des « films monde » n’essayant rien de moins que de s’attaquer au sujet de l’Humanité. Ce qu’il est intéressant de noter ici, c’est que cette ambition vient se greffer sur une histoire ultra simple (mais pas simpliste) et non pas l’inverse. Au 1er degré, Gravity peut juste être vu comme un excellent survival. Le défaut des films comme 2001 ou The Fountain, c’est qu’ils attaquent frontalement par leurs ambitions de décrire l’humanité au lieu d’écrire d’abord une histoire, ce qui les rend souvent agaçants malgré toutes leurs qualités. Ici rien à redire, l’intrigue est solide, vous allez vous griffer le visage de nombreuses fois tellement la tension est palpable et l’émotion sera au rendez-vous. Pour les interprètes, ça va aller vite puisqu’ils ne sont que deux. Sandra Bullock, dont le nom avait fait grincer des dents vu que sa filmographie est plus remplie de nanars à l’eau de rose ou de comédies bien grasses que de chefs-d’œuvre, est tout simplement bouleversante, à la limite du méconnaissable tellement l’actrice joue dans un registre différent de ses autres rôles. Elle m’a réellement étonné en plus de me prouver qu’elle pouvait tenir sur ses épaules un blockbuster d’auteur de ce calibre et cela ne m’étonnerait pas qu’elle soit nommée, voir qu’elle gagne des prix en février/mars prochain. Quant à Georges Clooney, rien de nouveau sous le soleil, on sait qu’il est capable du meilleur quand il est bien dirigé et l’on parle ici d’Alfonso Cuarón, l’homme qui aurait pu rapporter un Oscar au pourtant monolithique Clive Owen. Il apporte une touche d’humour et de classe décontractée bienvenue dans un film pourtant tout ce qu’il y a de plus sérieux.
Mais l’on ne retiendra pas Gravity pour ses deux interprètes pourtant extraordinaires, ou son histoire génialement écrite, mais bel et bien pour sa réalisation qui redéfinit tout simplement l’expérience cinématographique telle qu’on la connaissait jusque-là. Jamais je n’avais eu de réelle réaction physique en voyant un film jusqu’à celui-ci. La sensation d’être asphyxiée dans une salle de cinéma climatisée, d’être seul au monde alors que la salle était pleine à craquer, de me sentir pris au piège de mon siège pour que lorsque les lumières se rallument, me retrouver soulagé d’avoir survécu à cette expérience. C’est bien simple, ce film ne vous montre pas l’espace, il vous emmène 600 km au-dessus, là où ne vous entendra pas crier et où la vie est impossible.
Tourné dans l’espace ?
Cuarón arrive à concilier les échelles avec une intelligence inouïe et réussi à rendre à la fois contemplatif son film (les plans nous montrant les couchers de soleil sur la Terre sont sublimes) et extrêmement immersif (les visions au sein même du casque des personnages) avec une maestria renversante. La spatialisation au sein de ces plans est juste démentielle, renforcé par l’usage répétitif de plan séquence (le plan d’ouverture du film dure 15 minutes !) encore jamais vu auparavant. Car la technologie développée pour le film permet à Cuarón toutes les folies avec sa caméra qui peut donc virevolter où bon lui semble en un seul plan, comme par exemple passer progressivement d’un plan large sur la Terre aux yeux terrifiés du héros.
« Gravity » est doté d’un montage ultra efficace et pourtant très faible (moins de 300 plans, ce qui est 4 à 5 fois moins élevé qu’un blockbuster normal). La caméra arrive à retranscrire le sentiment d’absence de gravité, de confusion et de grandeur d’une manière hallucinante. Le tout aidé par le boulot exceptionnel de photographie d’Emmanuel Lubezki (directeur photo attitré de Terrence Mallick et Cuarón) dont je n’ose pas imaginer le nombre de soirées où lui et le réalisateur ont du s’arracher les cheveux à réussir à doser l’éclairage pour le rendre parfait à ce point.
On a tout simplement l’impression que le film a été tourné dans l’espace tellement les effets spéciaux sont invisibles à l’œil nu et les images nous rappelant les reportages de la NASA ou du télescope HUBBLE. Sentiment renforcé par l’inexistence de son dans l’espace qui donne une toute autre dimension aux séquences de catastrophes. Mais si le son n’existe pas en dehors, il faut saluer le mixage son capable de retranscrire à la perfection les répercussions, les vibrations, les respirations ou les problèmes de communication au sein des casques des combinaisons, nous faisant réellement ressentir l’épreuve des personnages.
Et s’il n’y a pas de son, Cuarón retient la leçon de Kubrick et délivre une BO composée par Steven Price juste parfaite. Pas toujours agréable à l’oreille, la musique renforce encore plus le sentiment anxiogène entourant l’histoire, capable de pauses magnifiques pour nous laisser apprécier le paysage de la Terre avant de nous faire dresser les cheveux sur la tête avec ses sonorités cinglantes. L’ensemble est doté d’une telle fluidité que tout semble avoir été pensé en même temps pour décupler les sentiments du spectateur.
Voilà, je pourrais encore disserter sur les enjeux métaphysiques du film ou être plus terre à terre et développer l’importance de son succès pour l’industrie hollywoodienne mais le principal à retenir est que vous devez aller voir le film, au cinéma, en 3D et si vous en avez la chance, sur l’écran le plus grand possible. Pour conclure, si vous ne me croyez pas moi, ni les critiques presse, ni les autres blogueurs dithyrambiques à son sujet, je vous invite à lire les réactions de nombreux réalisateurs que vous adorez probablement (de James Cameron à Darren Aronofky en passant par Quentin Tarantino) et qui savent de quoi ils parlent. Ou encore l’avis d’un homme étant réellement allé dans l’espace, rien de moins que l’astronaute Buzz Aldrin (2ème homme à avoir marché sur la Lune) qui visiblement a pu se remémorer ses sensations dans l’espace grâce à ce film.