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Mea Culpa, le film d’action français de l’année ?

Mea Culpa est le 3ème long métrage du talentueux réalisateur Fred Cavayé, à qui l’on devait déjà l’excellente surprise Pour Elle (avec Vincent Lindon) et le très bon A Bout Portant (avec Gilles Lellouche). Le réalisateur français a su, en à peine 3 films, créer une filmographie extrêmement cohérente, se réclamant de ce fameux « cinéma de genre » si mal vu quand il est made in France et prouver que l’on pouvait, à l’instar des américains, faire des films qui envoyaient autant du pâté avec moins de moyens mais plus d’idées.

En regroupant ces 2 acteurs fétiches et voulant cette fois réellement réaliser un film 100% d’action, la promesse était alléchante sur le papier, qu’en est-il en réalité ?

Synopsis: Simon et Franck sont policiers à Toulon. Après avoir fêté la fin d’une mission, ils percutent une voiture en rentrant chez eux. Franck s’en sort indemne, alors que Simon, qui était au volant et sous alcool, est blessé. Mais l’accident a surtout fait deux victimes, dont un enfant. Simon va alors tout perdre : sa famille et son travail…

Six ans plus tard, Simon a divorcé d’Alice et est devenu convoyeur de fonds. Il tente de tenir tant bien que mal son rôle de père auprès de son fils Théo, âgé de 9 ans. De son côté, Franck, qui est toujours flic, continue de veiller sur Simon. Lors d’une corrida, le fils de Simon est témoin d’un règlement de compte par des mafieux. Simon va tout faire pour protéger son fils des gens qui le menacent…

Autant le dire tout de suite, nous ne sommes qu’en février mais il va être très difficile de trouver meilleur film d’action cette année que ce Mea Culpa. Cavayé assume enfin pleinement son amour pour les très grands films d’action, se réclamant de McTiernan ou Michael Mann et décide délivrer une course poursuite haletante d’une heure et demie vous scotchant à votre siège.

Dans ses films précédents, Cavayé mettait un point d’honneur pour combler sans doute le manque de moyen dont il disposait, à s’attacher aux personnages et leurs quêtes avant tout (sauver l’être aimé). Si les scénarios servent généralement de prétexte pour filmer des courses poursuites ou des fusillades, ses films en prenaient le contrepied en allant au fond de ce que traversaient les personnages, leur raisonnement mais aussi leurs voyages émotionnels (notamment dans Pour Elle).

Dans Mea Culpa, on pourra le regretter (ou pas), Cavayé ne se sent plus le besoin d’autant s’attacher aux personnages et l’on remarquera un scénario légèrement plus cliché et attendu par moment que ses anciens films: les clans de flics rivaux, une hiérarchie forcément bête et méchante, flics rongés par la culpabilité, etc.

Mais ce que l’on pourrait perdre en subtilité dans l’histoire, on le gagne en intensité dans l’action, en virtuosité dans l’utilisation de la caméra et à ce niveau, le film est un petit bijou. Que les scènes d’actions soient crédibles ou non dans la vraie vie, on ne se posera jamais la question devant le film et l’on vivra à 100% les scènes avec les personnages. La photographie est excellente, tout comme le montage ou le cadrage, magnifiant et rendant les scènes d’action nerveuses au possible sans jamais devenir illisible.

C’est bien simple, sur le plan formel, le film est un uppercut, les scènes de combat seraient dignes de figurer dans un Jason Bourne (magnifiques chorégraphies) quand les scènes de fusillades feront immanquablement penser à Michael Mann (notamment la scène dans la boîte de nuit), le maître en la matière. La gestion du suspens est assez impressionnante, la tension ne relâchant presque jamais, sauf en de rares occasions pour faire relâcher la pression ou nous faire rire.

Cavayé avait déjà prouvé qu’il savait diriger des acteurs dans ses précédents films, il le confirme encore une fois avec ses acteurs fétiches (il faut dire qu’avec des Rolls pareilles, difficile de se planter).

Lindon est exceptionnel, comme à son habitude, dans le rôle de ce flic brisé, revenant à la bataille comme un ancien shérif déchu, mais je retiendrais personnellement la prestation de Lellouche, rôle assez difficile au demeurant et dont il se sort à merveille. Les autres acteurs sont tous très bons même si la plupart des autres personnages sont relativement unidimensionnels et donc moins intéressants à voir.

Si l’histoire est relativement clichée, le final réservera son lot de surprises et donnera une deuxième lecture du film assez intéressante. Par moment, je me suis dit que le film est un peu ce qu’aurait dû être Only God Forgives de Nicolas Winding Refn (il est d’ailleurs intéressant de voir que c’est Cliff Martinez, compositeur attitré de Nicolas Winding Refn depuis Drive qui compose la musique du film) dans cette représentation du cercle vicieux et inarrêtable de la vengeance.

D’ailleurs, il faudra préciser que le film est extrêmement violent et ne pourra pas être vu par les plus jeunes, certaines scènes pouvant vraiment être choquantes (il ne faut pas oublier que l’idée initiale du script revient à Oliver Marchal dont les films sont reconnus pour leurs traitement sans concession de la violence).

Au final, si je reste convaincu que Pour Elle est le chef d’œuvre de Cavayé pour son intelligence dans l’écriture, je retiens de Mea Culpa un bijou de film d’action, réellement digne des productions hollywoodiennes qui mérite d’être vu pour ce qu’il est, un grand kiff de réalisateur qui veut faire plaisir aux spectateurs aussi fan que lui du cinéma d’action.

Ceci étant dit, le film mérite d’être un succès car dans une industrie du cinéma français où les producteurs frileux refusent de prendre des risques en estimant que la France ne comporte pas assez de talent pour vendre ce genre de film et rivaliser avec les américains, Cavayé les fait mentir en montrant qu’un bon réalisateur peut vraiment faire un truc super avec un « petit » budget.

Je vous recommande donc chaudement d’aller voir ce Mea Culpa dont les équipes du film n’auront jamais à s’excuser !