Le Géant égoïste est un film qui a remué plus d’un spectateur depuis sa sortie au festival de Cannes. Le Magazine Télérama propose donc de le revoir en ce moment même en VOD sur iTunes dans le cadre du Festival de cinéma Télérama.
Cette fable moderne nous livre le destin d’Arbor et Swifty, deux collégiens déscolarisés dans une Angleterre profonde et pauvre. L’un est hyper-actif et perdu, l’autre est trop sage et mature pour son âge. Les deux cherchent un moyen de s’en sortir, de survivre. Ils s’associent donc à Kitten, un ferrailleur sans scrupules, et lui ramène des métaux divers et volés afin que l’homme construise des chars pour des courses illégales de chevaux. Mais cette collaboration aura des limites…
C’est dans cette atmosphère désolée et malsaine qu’évoluent nos deux protagonistes. Leur petite taille ne les rend pas naïfs ou innocents, ils semblent avoir plus vu le monde que la plupart des centenaires. Mais ce monde paraît être également trop lourd à porter pour leur frêles épaules. Arbor doit à la fois gérer ses propres soucis, s’occuper de sa mère qui est dépassée par le comportement de son fils aîné, junkie et voleur. Swifty fait tout pour satisfaire sa mère, battue par son mari, et ses innombrables frères et sœurs. Les deux sont garants de la sécurité et du bien-être des adultes. Les rôles sont inversés. C’est ainsi qu’ils deviennent des héros.
Clio Barnard, la réalisatrice, présente son œuvre comme une libre adaptation moderne du conte d’Oscar Wilde, Le Géant Egoïste. Les similitudes sont difficiles à détecter, mais bien présentes. Le jardin du géant est remplacé par une vaste casse à ferraille. L’enfant mystérieux de l’arbre pourrait être Swifty, emprunt de bonté et de joie, d’ambition et d’intelligence. Le Géant est-il Kitten ? Un être solitaire et sombre, qui ne s’éveille qu’au contact de la jeunesse ? La décharge n’est vivante que lorsque les enfants y sont présents. Mais le temps y est toujours gris, le Printemps tant attendu ne pointera jamais le bout de son nez.
Ce film, à l’intrigue si simple, est un petit chef d’oeuvre. Ses personnages nous prennent aux tripes, nous font rire, verser des larmes, nous émerveillent. Les deux jeunes acteurs n’y sont pas pour rien, avec un jeu tellement réaliste qu’il en devient bouleversant. Pourtant amateurs, Conner Chapman et Shaun Thomas nous éblouissent dans leurs rôles respectifs. La mise en scène est également très réussie. Les paysages dévastés contrastent avec l’univers fantastique d’Oscar Wilde. Les couleurs des décors restent ternes, traduisant l’ennui et le désespoir de ses habitants. Certaines scènes frôlent pourtant l’irréel, avec notamment la course de chevaux en plein milieu d’une route, entourée de voitures. Enfin, le dénouement de ce conte si peu fabuleux est un vrai choc, qui restera gravé dans les mémoires de ses spectateurs.
Le Géant Egoïste est donc une pépite inattendue et sans prétention, qui ne laissera personne indifférent.