SBTRKT : où est le frisson ?

Il y a trois ans de ça sortait son premier album patronyme. Ce fût un véritable coup d’éclat, et par son mélange de sons pop, soul et électroniques, il chamboula la sphère musicale. Très espéré, SBTRKT aka Aaron Jerome (c’est son petit nom) revient avec un double album intitulé Wonder Where We Land. A mi-chemin entre le déception et l’admiration, retour sur un opus inégal mais honorable.

 

Avec un premier disque bluffant et novateur sous le signe du UK garage, difficile de ne pas tenter la comparaison avec son successeur. Outre la pop organique, les collaborations impressionnantes (Sampha, Jessie Ware, A$ap Ferg pour n’en citer que trois) et le fameux masque africain présent sur les deux (très belles) pochettes de ses albums, les deux opus ont assez peu de points en commun. L’un des nombreux talents de l’anglais est de savoir s’entourer d’artistes de choix puis de les mener sur des terrains non explorés. Production toujours impressionnante, sonorités plus variées, importance plus grande accordée au chant, SBTRKT s’essaye à de nouveaux exercices de style.

Wonder Where We Land présente de beaux arguments. Des titres percutants, qui fonctionnent tellement bien que la magie opère. Parmi eux on trouve une collaboration sur « Higher » avec le jeune rappeur Raury, un morceau très classe sous le signe de l’urgence, haletant. L’onirisme est roi dans l’ambiant « Osea », titre le plus expérimental de l’opus. Quant à « Lantern », il frappe par sa singularité. Aaron y importe des influences dubstep habilement travaillées pour un résultat détonant, un petit avant goût du futur ? Les featuring avec Sampha sont toujours des projets réussis qui font d’agréables moments. L’homme masqué le ballade dans des registres différents où le chanteur pose sa voix avec justesse et sensibilité, alchimie magique. La volonté et la recherche sont bien là, l’envie de danser nous prend très vite.

Le voyage le long de la galaxie SBTRKT devient cependant de plus en plus tortueux. En présentant une suite de morceaux hétérogènes, l’album finit par ressembler à une collection de single. Aaron s’éparpille dans les styles pour parfois donner l’impression d’en faire trop. Certains titres sont kitsch au possible dont « Problem (Solved) » en featuring avec Jessie Ware ou avec un piano rappelant Elton John dans « If it Happens » chanté par Sampha. Non pas que le mainstream soit une tare, mais SBTRKT ne s’en était jusqu’ici pas intéressé de près. Avec « NEW DORP. NEW YORK», force est de constater que cet exercice ne lui va pas très bien, sa musique perd en originalité et en puissance. D’autres titres comme « Look Away » sont fades et nous plongent un peu plus dans les eaux sombres de l’incertitude. Mais où est le frisson ? Une certaine incohérence dessert l’essence même de l’album, le groove. Un groove qui se cache dans des recoins sombres avant de surgir brusquement à travers les quelques trop rares perles de cet opus.

Wonder Where We Land est un album en demi-teinte qui peinera à faire de l’ombre à son prédécesseur. Mais on ne boude pas SBTRKT, véritable compositeur de talent, maniant avec ingéniosité la science des rythmes. Talent évident à l’écoute des quelques réussites de ce disque. On retiendra notamment les performances de Raury, jeune et talentueuse découverte dont vous entendrez parler très vite.

 

 

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