Nicolas Sarkozy, le retour de Narcisse

Il est d’usage, en musique, de jouer sur la répétition, car c’est celle-là même qui permet de se souvenir d’un morceau, d’un artiste. La répétition est, parce qu’elle nous rend incapable de lâcher prise, un fantastique monstre qui se prélasse dans notre mémoire . Si elle est volontiers compréhensible en musique, elle n’est rien d’autre qu’un cruel affront en politique. Je dis politique, mais je pense Monsieur Nicolas Sarkozy ; l’affront, c’est lui.

Il n’y a pas pire outrage que d’oser, pour un homme politique, prétendre qu’il est nécessaire, prétendre que sans lui rien n’est, que sans lui rien ne peut être. Personne n’a cette prétention, et se revendiquer d’une tradition bien française de sauveteurs en série, choisir de se positionner comme un De Gaulle, un Napoléon post-moderne et providentiel n’est rien d’autre qu’anachronique. Soyons clairs : le seul message à comprendre d’un échec électoral après cinq ans de pouvoir despotique et autocrate, c’est le refus. Nous avons refusé de poursuivre, et Monsieur Sarkozy, telle une petite amie romanesque au coeur brisé, incapable d’accepter le rejet, ne souhaite pas nous entendre.

Comment faudra t’il donc le dire? Je n’ai pas, pour ma part, l’arrogance de parler pour les autres, et je ne connais que trop bien les soudaines pertes de mémoire des citoyens français en matière de politique, et plus encore face à un tel séducteur. Il ne le fait pas pour lui, il le fait pour vous. Il ne voulait pas, mais puisque sans lui il n’est pas question d’avenir, il se sacrifie. Encore mieux, il ne reviendrait pas s’il avait quoi que ce soit à se reprocher. Je me permet quelques objections : Nicolas Sarkozy n’a qu’un seul et unique intérêt, le sien ; Nicolas Sarkozy a, à lui seul et en très peu de temps, largement contribué à noircir l’avenir de notre pays ; Nicolas Sarkozy n’est absolument pas blanchi des affaires qui l’impliquent* ; enfin et surtout, Nicolas Sarkozy ne revient pas, il n’est simplement jamais parti.

Il ne s’agit plus là de considérations partisanes, si bien que, si j’étais de droite, j’appréhenderais ces quarante minutes d’une intervention narcissique et nauséabonde aussi mal, voire plus plus mal encore qu’un socialiste. Comment peut-on encore accepter qu’un seul homme nous prenne ouvertement pour de profonds imbéciles? Comment ce pseudo-retour peut-il encore être perçu par les médias, par les rédactions de tout le pays, comme un évènement? Les candidats de Secret Story parlent « d’aventure », nous parlons « d’événement » : il semblerait bien que tout soit biaisé, que nous ne soyons plus capable de réfléchir simplement, quand pourtant un demi-con comprendrait plus vite l’affaire. Nous, citoyens français, ne pouvons pas l’accepter, nous ne pouvons et ne devons pas attendre un messi comme de purs abrutis, car cela ne voudrait rien dire d’autre que « sans espoirs, sans idées, sans jugement, nous nous en remettons à vous, Monsieur ».

La France est une république, c’est à dire une « chose publique », et nous n’en sommes plus à l’époque des sauveurs et des guides : nous sommes éclairés. Un professionnel de la communication et de la manipulation des médias comme des masses n’est pas un monarque, il ne peut rien sans le peuple, sans les citoyens. Citoyens qu’il a d’ailleurs floués, méprisés, avilis, et même, sans aucun doute, détestés. Monsieur Nicolas Sarkozy ne vous aime pas, il s’aime lui. Songeons maintenant à toutes les choses que nous ne contrôlons pas ; adouber le roi pourtant déchu n’en est pas une.

*Ndlr : Nicolas Sarkozy n’a pas été « blanchi » dans l’affaire Bettencourt, il a simplement bénéficié d’un non-lieu dû au délais de prescription. Dans l’affaire Karachi, Nicolas Sarkozy n’est pas « lavé », le dossier venant juste d’être transmis à la Cour de justice de la République. Enfin, le cas de Bygmalion, comme celui des financements libyens, est encore en cours d’instruction. (Source : Mediapart)

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