Jeudi 30 octobre, le quotidien Polonais Gazeta Wyborcza révélait une nouvelle embuche pour le réalisateur en voyage dans le pays de son enfance à l’occasion de l’inauguration du Musée des Juifs de Pologne. En conflit avec la justice états-unienne depuis près de 40 ans, cette dernière ne tarit pas d’efforts pour faire arrêter Roman Polanski au nom d’un crime qu’il a commis en 1977 et pour lequel il a purgé sa peine.
Un petit retour sur l’Affaire s’impose. En 1976, le magazine Vogue le choisit afin de réaliser un numéro dont il serait le rédacteur en chef ainsi que le directeur artistique. Pour cela, il est tenu d’exécuter une série de photos. Le cinéaste, au goût prononcé et célèbre pour les très jeunes femmes depuis le meurtre brutal de sa femme Sharon Tate enceinte de 8 mois, le 9 Aout 1969 ; opte pour une jeune mannequin en herbe de 13 ans : Samantha Geimer. Comme il le raconte dans son autobiographie, Roman publié en 1984, avec sincérité et lucidité, la jeune Samantha était une jeune fille issue d’un milieu social moyen, dont la mère voulait faire une star. C’était une adolescente qui voulait se prendre pour une femme. Elle avait goûté à une pincée de drogues en tout genre et avait une expérience avancée des relations amoureuses. Poussée par sa mère à poser partiellement nue pour le photographe Franco-Polonais, Samantha Geimer investit la villa Californienne de Jack Nicholson afin de passer sous l’objectif du réalisateur. Ils auraient bu quelques verres de champagne afin de se détendre, puis ils consommèrent. Le rapport sexuel était consenti d’après Polanski.
Le lendemain, la police l’interpelle pour viol, détournement de mineure, accusé d’avoir fourni de l’alcool et de la drogue à la jeune adolescente. Libéré sous caution après avoir purgé sa peine de 6 semaines à la prison de Chino, il plaide coupable pour rapports sexuels illégaux avec mineur tandis que Samantha Geimer retire les accusations plus lourdes. Mais le juge chargé de l’affaire n’en démord pas et tient à l’incarcérer une seconde fois. Polanski s’exile en Grande Bretagne afin d’échapper à 50 ans d’enfermement qu’il risque d’écoper. En 1978, il obtient la nationalité Française et s’installe définitivement à Paris où il est reconnu pour son talent de metteur en scène et non pas pour ces poursuites judiciaires. Puis il met un terme au procès civil en versant 225.000 $ à la victime.

En 1994 retentit le premier coup de massue lorsque le procureur chargé de l’affaire refuse d’absoudre Polanski qui souhaite retourner aux États-Unis et exige qu’il se présente devant la cour. Puis en 2003, Samantha Geimer pardonne publiquement le réalisateur avec qui elle garde contact depuis. Cependant, la thèse du viol n’est pas démentie.
En 2008, le documentaire de Marina Zenovich : Roman Polanski : Wanted and Desired, crée la polémique en revenant sur l’affaire. Pour mettre fin à la controverse le cinéaste et ses avocats déposent un non-lieux évoquant le manque d’éthique du juge chargé de l’affaire, Laurence Rittenband, qui se servi du statut de célébrité de Polanski pour le juger abusivement et en faire un « exemple ».
En septembre 2009, le réalisateur est arrêté en Suisse, et les États-Unis exigent son extradition. Libéré un mois après sous caution et sous conditions, il retourne dans son Chalet de Gstaad assigné à résidence et sous haute surveillance.
La Californie n’ayant toujours pas abandonné les poursuites, Polanski reste tout de même surveillé de près par les États-Unis qui ne perdent aucune occasion pour l’interpeller. Il peut tout de même circuler en France, en Suisse et en Pologne.
Dernièrement, une demande d’interpellation à été envoyée par les États-Unis qui traquent ses moindres déplacements et souhaitent l’extrader. Entendu par la procureur de Cracovie, « il a été convié que le cinéaste avait donné des garanties suffisantes concernant son lieu de séjour et la possibilité de le contacter pour que son interpellation ne soit pas jugée nécessaire », annonce la porte-parole du parquet de Cracovie, Boguslawa Marcinkowska.
Toujours est-il que son nom ne rime pas toujours avec les films brillants qu’il a réalisé: Rosemary’s Baby, Chinatown, le pianiste, Tess, Le Locataire ou encore La Vénus à la Fourrure sorti en hiver dernier, pour n’en citer qu’une mince partie. Ils mettent en scène, pour la plupart, des personnages mis à l’écart qui agissent seuls contre les autres. Thématique qui le suit depuis son plus jeune âge, lorsqu’il grandit seul dans le ghetto de Cracovie, qu’il lutta plus tard pour faire du cinéma dans un pays communiste, dans un milieu où sa petite taille le décrédibilise; puis lorsqu’il se voit accusé par les médias du meurtre de sa femme Sharon Tate. Sa vie semble être une lutte permanente pour survivre dans un monde qui le rejette. Personnalité à la fois touchante, admirable et controversée, Roman Polanski n’en finira pas d’être jugé pour un crime que l’on considère communément hors de son contexte et pour lequel il a purgé sa peine sans jamais nier les faits ou en voulant nuire à la réputation de la victime: Samantha Geimer.
Il est en ce moment à l’affiche pour la comédie musicale « Le Bal des Vampires » au théâtre Mogador, adaptation façon Broadway de son film culte éponyme sorti en 1967.