Plus de trois ans après son deuxième album « Running Still » – « Make Way » son tout premier album n’ayant été diffusé qu’à peu d’exemplaires -, « Curio City » apparaît comme le retour si attendu de cet anglais qu’on apprécie tant. Des retrouvailles si désirées avec ce sujet de sa Majesté Elisabeth. Charlie Winston aime prendre son temps et au vue du résultat obtenu, on ne peut que le remercier et le comprendre.
Charlie Winston n’est plus un inconnu depuis le célèbre titre Like a Hobo que l’on a tous fredonné au moins une fois et qui a envahi les charts durant des mois. Ce british à l’allure de dandy hobo vêtu de son chapeau a conquis le coeur des français qui l’ont accueilli comme l’un des leurs dans la grande nation tricolore. Pourtant, le chanteur n’est pas seulement l’auteur de ce tube. Il a fait bien d’autres choses. Depuis 2009, il a enchaîné les succès, les tournées sold-out et près de six ans plus tard, c’est la sortie de son troisième opus que l’on peut célébrer après les très bons « Hobo » et « Running Still » qui ont envoûté nos oreilles par leurs mélodies folk et entraînantes.
Plusieurs mots me sont venus en tête lorsque j’ai entendu les premiers extraits de « Curio City« , si longtemps après que la voix de Charlie Winston soit venue ravir mes tympans pour la dernière fois: Choc. Changement. Etonnement. Oubliées les mélodies à la Like a Hobo ou à la Hello Alone, des changements se sont opérés dans sa façon de composer, comme on l’entend dans le premier single Lately. Un changement des plus agréables où l’électro vient parsemer une folk devenue classique, comme pour amener une nouvelle saveur à un style devenu commun ces derniers temps. Les textes travaillés n’ont pas disparu, la poésie faisant partie intégrante de la nature de l’artiste depuis le commencement. Dans chacune de ses phrases, Charlie Winston vient glorifier la langue de Shakespeare, la rendant ainsi encore plus mélodieuse.
Charlie Winston ouvre son album avec la magique Wilderness, le deuxième extrait diffusé sur internet il y a quelques semaines. Quelques secondes sont suffisantes pour comprendre que le changement perçu dans Lately est bien réel. Les sonorités électroniques divergent, surprennent mais il n’y a rien de désagréable là-dedans. Un certain calme s’installe en nous, mais est rapidement interrompu lors des refrains où l’instrumentale s’emporte. L’envolée du piano sur la dernière minute sublime le tout pour le rendre plus mélodieux. Les rythmées Truth et Evening Comes viennent nous plonger dans un temps lointain, avec cette sensation grandissant en nous de retourner à l’époque des deux précédents opus. On change de ton, retrouvant une mélodie enjouée, où quelques doses d’électronique viennent s’ajouter à juste dose.
Malgré son arrangement électronique, Say Something, peut être interprétée comme une balade par la douceur de sa mélodie et par la fragilité dans la voix de Charlie Winston, qui s’évapore au fur et à mesure des secondes tandis que la musique devient plus puissante. On retrouve deux jumelles qui sont A Light (Night) et A Light (Day) qui ne forment qu’une seule et même chanson, mais avec deux arrangements différents. Tout est posé, presque fantomatique, dans A Light (Night) tandis que tout paraît plus effréné dans A Light (Day) et dans cette quête pour retrouver la lumière de notre existence que l’on peut avoir perdu. Ces deux compositions appuient ce besoin de ne jamais perdre espoir.
C’est un bon dans le temps que l’on fait en écoutant Just Sayin‘, avec ce retour dynamique dans les années 80 où la disco venait rythmer les pistes de danse et poussait tout le monde à se déhancher. On a presque la volonté de se lever pour se mettre à bouger durant les quatre minutes de la chanson.
Le Charlie Chaplin des temps modernes est un véritable autodidacte, un touche à tout qui a produit cet opus dans sa maison londonienne après avoir pris le temps de réfléchir à ce qu’il voulait offrir à son public. On ressent une intimité dans les paroles, comme si l’artiste éprouvait le besoin de s’ouvrir à nous. De nous parler en ôtant le voile qui le dissimulait auparavant. Notamment dans la poignante Too Long où les mots semblent trouver écho avec son expérience personnelle. Chaque phrase résonne comme une attente inlassable avant que cette envie d’écrire réapparaisse enfin (Too long i’ve been waiting for the rhythym). Cette impression que l’anglais cherche le pardon de ses auditeurs pour avoir disparu pendant plusieurs mois, naît alors en nous.
Cet album est son opus le plus personnel et le plus abouti musicalement. L’influence de tous les artistes comme Alt-J, Thom Yorke, qu’il a écouté durant son absence se fait ressentir dans les rythmes, dans les arrangements électroniques plus bruts. Malgré l’orchestration joyeuse des mélodies, une certaine mélancolie émane des chansons. Notamment dans Fear & Love, avec certaines paroles telles que « One step forward, two step back« , comme si à chaque pas fait en avant, un obstacle vient à se dresser devant nous pour nous obliger à reculer. Certaines choses telles que l’amour nous permettent alors de continuer à marcher. A regarder devant nous.
On retrouve ces sentiments, surtout dans l’émouvante Stories où le piano et les cordes nous bercent. On se laisse emporter par les histoires du poète Winston. Dans son coeur, elle nous rappelle les émouvantes Boxes et She went Quietly. Au fur et à mesure des secondes, on se sent de plus en plus touché par les mots, qui semblent dépeindre cette volonté, que l’on peut avoir, de recommencer à zéro lorsqu’une histoire se termine. Comme ce désir d’effacer la tristesse et les souvenirs de nos esprits. Stories envoie un message profond, nous incitant à ne jamais oublier notre passé, nous poussant même à avoir le courage de parler. Peu importe les larmes, c’est ce passé qui nous permet d’avancer. De devenir quelqu’un d’autre. L’album se termine de la plus poignante des manières.
Un opus réussi et éclectique qui pourra étonner bien des personnes à la première écoute, qui pourra même les déboussoler, mais dès lors qu’on prend le temps de l’écouter avec une attention particulière, on réalise que malgré sa forme différente, sa musique est toujours identique dans son essence la plus profonde. L’artiste a gagné en maturité et en maîtrise de sa musique. Le changement orchestré vient rimer avec talent. Charlie Winston ne rime quant à lui jamais avec déception. Un plaisir de retrouver le chanteur, qui nous livre une partie de lui-même dans cet album personnel et intime.