Le Conte de la Princesse Kaguya : une petite perle mélancolique

 La magie du studio Ghibli a encore frappé. L’un de ses fondateurs, Isao Takahata livre cette semaine sa magnifique interprétation du conte traditionnel japonais de la princesse Kaguya. Encore une éternelle histoire de princesse ? Oh que non.

 

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Petite fille trouvée dans une pousse de bambou par un paysan, la Princesse Kaguya grandit plus vite que son ombre et se découvre des talents extraordinaires. Ses parents adoptifs, de modestes mais aimants paysans, la pensent destinée à devenir princesse et l’installent à la capitale pour lui offrir une éducation raffinée et stricte. Loin de ses repères la Princesse, vive, joyeuse et d’une beauté incomparable doit s’adapter à ce nouveau mode de vie et surtout aux hommes qui la convoitent. Eprise de liberté, elle oblige ses nobles prétendants à accomplir l’irréalisable pour obtenir sa main.

Takahata et Miyazaki : même combat (ou presque)

On connaît surtout le studio Ghibli pour son autre fondateur, le déjà regretté (car retraité) Hayao Miyazaki. Mais Isao Takahata n’est pas en reste avec des œuvres d’animation majeures, comme le terrible mais immanquable Tombeau des Lucioles . Certaines caractéristiques se retrouvent entre les deux réalisateurs: un point de vue réaliste sur les traditions et l’histoire japonaise, un amour pour la nature, une poésie à toute épreuve. Donc si vous aimez l’un, n’hésitez pas à découvrir l’autre ! A savoir : ne vous laissez pas tromper par l’animation : les oeuvres du réalisateur ne sont pas forcément tout public. Ce dernier film, empreint de mélancolie, ne semble d’ailleurs pas réellement destiné à un public exclusivement jeune, malgré sa forme de conte.

Une adaptation réussie

Takahata est surtout spécialisé dans l’adaptation plus que la création. Le Conte de la Princesse Kaguya ne fait pas exception, puisque c’est la retranscription du conte « Kaguya-Hime » ou « Conte du coupeur de bambous ». Avec ce texte fondateur de la littérature japonaise, Takahata s’attaque à un monument culturel. Mais il a su y apporter une touche unique, qui rend ce conte traditionnel encore plus féérique. Il apporte aussi quelques changements ou développements à l’histoire originale. Les personnages y sont très nuancés et plus approfondis. Notamment le père de la Princesse, aveuglé par son admiration pour sa fille et des coutumes qui le dépassent. Kaguya est elle aussi un personnage assez profond, tiraillée par ses propres rêves, et enfermée par les conventions. C’est une entité féminine forte, attachante et drôle que l’on retrouve ici, comme dans beaucoup d’oeuvres Ghibli.

Un coup de crayon envoûtant

Takahata a toujours su s’imposer grâce à une force : son utilisation d’un style de dessins différent pour chaque film. S’il ne dessine pas lui-même, il dirige des artistes variés, tous avec une patte unique. Dans le ludique Mes voisins les Yamada (qui cache d’ailleurs une petite référence la naissance de la princesse Kaguya pour les plus attentifs), les traits étaient enfantins et simples, s’inspirant du manga original. Dans le sombre Tombeau des Lucioles, l’animation était plus réaliste, avec un tracé plus assuré et dur, plus terre à terre. Dans le Conte de la princesse Kaguya, le réalisateur choisit de mettre en valeur un dessin aérien, des esquisses améliorées. On retrouve des couleurs en aquarelle, un rappel de l’encre de Chine… La tradition japonaise est ainsi rappelée au-delà de l’histoire, avec cohérence et élégance. Le tout est accompagné de l’envoûtante musique de Joe Hisaichi, compositeur phare du studio. On ne finira jamais de vanter les mérites de ce musicien, qui nous a déjà ému plus d’une fois dans les réalisations de Miyazaki, comme dans le récent Le Vent se Lève.

Tel un réalisateur de films traditionnels, Takahata varie les effets, comme s’il utilisait une caméra. Dès les premières secondes, le spectateur est ainsi pris dans l’histoire, et n’en décrochera pas pendant plus de deux heures et quart. Si le film peut paraître un peu long, il sait tout de même nous tenir en haleine : on attend désespérément un retournement de situation jusqu’à la dernière seconde.

Ce conte nous emporte donc dans le folklore japonais, dans une romance attendrissante, une famille attachante… Et surtout dans un destin hors du commun. Cette petite perle n’est donc à manquer sous aucun prétexte. Profitez des 30 ans de la Fête du Cinéma qui a lieu en ce moment pour le voir sur grand écran : l’expérience n’en sera que plus passionnante.

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