La semaine dernière, on a entendu, vu, lu beaucoup de choses sur la décision de justice qui ordonne aux fournisseurs d’accès Internet et à certains moteurs de recherche de bloquer l’accès aux sites de streaming tels que DPStream ou Allostreaming. Cette décision a fait beaucoup parler d’elle, que ça soit chez les professionnels ou les particuliers qu’elle touche.
Le streaming, pour un petit rappel, est la possibilité de voir, gratuitement et en illimité, des séries ou des films. Cette procédure est illégale puisque les plateformes qui s’adonnent à cette pratique n’ont pas reçu au préalable l’autorisation pour diffuser ce contenu audio-visuel et ne paient ainsi pas les droits qui sont normalement dus aux détenteurs de ce contenu et des droits d’auteurs qui y sont attachés.
La question du piratage de contenu multimédia sur Internet est un sujet dont on entend parler depuis aussi longtemps que le téléchargement, puis plus tard le streaming, existent ; même à l’époque où avoir l’ADSL était un luxe et qu’on avait un modem qui, dès qu’on se connectait au net, bloquait la ligne téléphonique et faisait un bruit de vieux télécopieurs quand il se connectait. « Chéri, tu es sur Internet ? » – « Non maman bien sûr que non ! » – « Alors pourquoi je peux pas téléphoner ? » – « Oups… » je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, tout ça tout ça.
La décision de justice rendue jeudi dernier a fait plaisir aux professionnels et il faut les comprendre. C’est vrai qu’un immense travail d’écriture, de réalisation, de tournage et de post production est fourni pour qu’on puisse jouir de ces films et ces séries qu’on aime tant ; et comme on le disait dans notre article sur l’industrie du disque, les acteurs, scénaristes et techniciens, au même titre que les chanteurs et groupes de musique, ne touchent déjà qu’un tout petit pourcentage des recettes. Alors si on ne paye plus le contenu qu’ils nous offrent…
Pourtant, si cette décision de justice paraît être une grande victoire pour le secteur professionnel, on va vite se rendre compte qu’elle ne va en réalité, pas changer grand-chose. Alors non, on ne vous dit pas de télécharger vos épisodes de séries. Télécharger, c’est le mal.
Toutefois, a-t-on réellement d’autre choix, si on ne veut pas arrêter de regarder nos programmes favoris? N’y a-t-il donc aucune alternative ?
Des alternatives, il y en a. Le problème en France est que les chaînes de télévision ont le monopole de diffusion des séries. Pour les films, c’est encore différent. Car pour le streaming, il est plus ou moins question de séries, surtout dans des tranches d’âge des 18-25 ans, car il faut le dire, ceux qui regardent les séries américaines en VOSTFR quelques heures après leur diffusion aux US sont souvent jeunes, étudiants et n’ont pas les moyens de s’acheter tous les coffrets en DVD. Puis il faut être honnête, les chaînes françaises – et il est question ici des chaînes nationales, de la TNT car on n’a pas tous l’abonnement au câble ou la télé par notre fournisseur internet – se contentent souvent des séries à succès, souvent dans le même style policier et de temps en temps un peu de fantastique et les diffusent parfois plus d’un an après leur passage aux US et le plus souvent dans le mauvais ordre. Bien sûr, ils sont aussi là pour faire du profit et doivent trouver les programmes qui plairont au plus de personnes possible. On passe pourtant à côté de petites perles car elles ne seront jamais diffusées chez nous.
Alors doit-on sacrifier notre amour pour les séries et dans un second temps la diversité des programmes auxquels nous avons accès sur l’autel de l’audience et du grand public ?
Des alternatives légales, il en existe. Si on pose la question autour de nous, on entend souvent que finalement, le visionnage gratuit n’est pas qu’une question d’être radin ou non, beaucoup de personnes sont prêtes à payer un minimum si on leur offre un service de diffusion de séries et de films. Par exemple, à l’étranger, des plateformes comme Netflix se développent de plus en plus, offrant des films et séries originales en flux continu moyennant un abonnement mensuel de 8$ (ce qui fait environ 5 euros).
Pourquoi un tel service ne pourrait-il pas exister en France ? Des sites comme Deezer et Spotify se sont bien développés pour la musique, pourquoi pas la même chose pour les séries et les films ? En tant qu’étudiants ou jeunes à la situation financière aussi bancale qu’une chaise à deux pieds, on aimerait voir de telles solutions. Ou pourquoi pas une redevance adaptée ? On veut regarder alors on paye un peu plus ? Sur la base du volontariat, on ne va pas faire payer ceux qui ne regardent pas de séries ou de films sur Internet. Il est vrai que certains services nous proposent des séries en diffusion +h24. Et il est vrai aussi, concernant les films surtout, qu’avoir l’objet DVD reste une pratique encore courante, avoir l’objet en main, c’est comme le CD, c’est le bien.
Ce débat s’inscrit dans un contexte de mutation culturelle, où le numérique redéfinit totalement notre rapport au contenu audiovisuel. On a accès à tout, tout de suite, voilà pourquoi attendre la diffusion de notre série préférée pendant un an et demi peut sembler frustrant. Il n’est pas encore question d’un accès gratuit et illimité à la culture mais peut-être que nos instances devraient songer à cette mutation qu’est en train de connaître le monde culturel et qu’en débattant autour d’une table, on pourrait trouver des solutions.
En attendant, le streaming va réduire pour, apparemment et selon le texte de la décision de justice du TGI de Paris, disparaître. Mais cela va t-il réellement changer le fond du problème ? L’avenir nous le dira…
