Le rendez-vous de la 29 édition des Francofolies 2013 était incontournable. Une affiche complète, sans trop de folie ni d’artifices, mais des artistes de valeur sure, qui ont auparavant connu leurs premières experiences scéniques autour des Francos.
Et pour contrer tous les sceptiques qui se trouvent déçus cette année par « peu de têtes d’affiche », on leur répond qu’indéniablement cette année la Grande Scène a accueilli des artistes qui n’en sont pas à leur première fois et qui confirment une fois de plus leur succès. Et puis il y a ces artistes qui ne sont jamais venus fouler cette grande scène des Francos: Orelsan ou Skip The Use et ce sont étonnamment (ou pas) ceux qui ont fait le plus bouger leur public. Ne parlons pas des nombreux artistes talentueux du Chantier des Francos, ceux dont La Boite à Musique Indé ont chroniqué: Colours in the street, Granville, Sophie Maurin, Yan Wagner, Set&Match…
Retour sur deux jours de folie sous les 30 degrés et le soleil aveuglant de la Rochelle.
Samedi 13 juillet
______________________
Disiz a fait l’ouverture de ce samedi 13 juillet sur la Grande Scène. Habituellement peu inclinée à écouter du rap, je me suis surprise à taper du pied frénétiquement vers la fin de son set. Sans avoir songé auparavant à me renseigner sur ses chansons, ma chanson préférée de cet artiste et de sa troupe de musiciens s’est révélée être Best Day. Du rap simple, une incitation au carpe diem, et surtout un chanteur Disiz qui incarne la gentillesse et une attention qu’il porte à son public grosse comme CA. Comme le cœur imprimé sur son tee-shirt noir. En résumé, le public a su décoller malgré leurs réticences du début, un public de tout âge vraiment. Disiz a été le premier rappeur français de la soirée, qui s’annonçait sous le signe de la musique populaire et énergique, celle sur laquelle on pourrait danser toute la nuit.
La deuxième artiste de la soirée en est à son 4e passage. Il s’agit d’Olivia Ruiz qui nous a livré ce soir là son énergie folle et qui, on peut le dire a contaminé son public. Qui dit 4e passage, dit experience, et trouvant ses chansons mythiques relayables à de la vieille mode, là aussi j’ai été étonnement surprise. Elle a tout naturellement repris des chansons de son nouvel album Le Calme et la Tempête, plus rock que ses anciens opus. Mais la surprise vient pour sa présence scènique, elle habite réellement la scène dans le sens où elle a réinterprété d’une manière très rock ses titres phares qui ont su faire son succès comme La femme chocolat (coécrite par son ex-mari le chanteur de Dionysos), ou encore J’traine des pieds. Des chansons rock en cohésion avec son énergie sur scène. Ou le contraire. En guise d’interludes aux moments explosifs de sa nouvelle apparence de rockeuse, Olivia Ruiz a laissé échapper des chansons en espagnol, plus douces et savoureuses telles Volver.
Mais Tryo ? Quand est-ce qu’elle nous parle d’eux, vous allez dire. Patience. Elle va vous être récompensée par une découverte du chantier des Francos venus faire un mini set sur la Grande Scène. Et c’est plutôt un honneur pour le groupe de rap hip/hop Set&Match, d’ailleurs présenté par Manu, le chanteur du groupe Tryo. Ces artistes issus de la nouvelle scène rap française avec Bunk, Jiddy & Faktiss des personnages charismatiques que vous avez d’ailleurs pu retrouver en interview sur le webzine. Qui dit mini-set dit court instant. Et c’est ce qu’a tenté de faire le trio de Montpellier. C’est un exercice où les rappeurs se sont exécutés joyeusement, mais nettement haut la main. C’était d’ailleurs un défi parce qu’en étant écrasé entre des gros artistes de scène tels Olivia Ruiz et Tryo, dur de s’y trouver une place. En vain. Le groupe s’est cantonné à rester tel qu’il est, unique et frais. Set&Match: nous le pensons sincèrement risque de gravir des échelons.
Bon on arrive enfin à Tryo. Déjà vus lors du festival Insolent à Lorient en avril dernier, cela fut un plaisir de les revoir. Où qu’ils passent, l’ambiance reste la même, conviviale, familiale. Et particulièrement ce soir-là, l’ambiance était électrique et estivale, après une tournée de concerts dans les pays du Maghreb, Tryo a ramené cette chaleur et nous a chanté dans l’une de leurs premières chansons du set Ladilafé, et tout ça… à la Rochelle, comble du sort puisque cette chanson évoque cette ville et son port dans les paroles. Ensuite, grosse surprise, coup de fil de Manu au chanteur -M- qui s’est produit lundi 15 juillet sur la même scène à St Jean d’Acre. A la demande de Tryo, nous avons entamé en chœur, le public et Mathieu Chedid un air de Qui de nous deux. Et puis le cours du concert reprend, hommage à un activiste homosexuel jamaïcain abattu,L’hymne de nos campagnes, Ce que l’on sème, anciens titres qui s’alternent à des plus récents comme Nous génération. Je jette un coup d’oeil aux alentours et j’aperçois une habitante qui a vue sur la scène, suivre le concert de sa fenêtre. Des gens dansent dans les tribunes et gigotent sur leurs chaises pour ceux qui ont choisi l’option assise. Bref, Tryo un groupe indémodable depuis 18 ans.
Celui qui a clôturé le samedi soir fut Orelsan. Inutile de vous dire qu’il était très attendu en vue de son dernier album Le Chant des sirènes paru en 2011 et disque de platine, vendu à 115 000 exemplaires. Mais à l’origine, le rappeur français devait déjà se produire en 2009 sur la scène des Francofolies. Entre temps, il a sorti le clip pour son titre Sale Pute, issu de son premier album qui met en scène les violences au sein d’un couple. Ce fut un titre très contesté et au centre d’une polémique où même les partis politiques se sont saisi de l’affaire. Bref, un capharnaüm total. Ironie du sort, il a été déprogrammé de suite du festival par peur des représailles. C’est pourquoi on peut dire que c’est le grand retour d’Orelsan à La Rochelle. Niveau show, il est apparu en tout début du concert avec sa cape noire et son masque made by Orel. Ce fut un concert avec beaucoup de jeux scéniques, avec des danseurs, des invités. Il alterne là aussi ses anciens succès et ses nouveaux titres. Et nous donne comme cadeau final, une dernière chanson Suicide social que j’attendais depuis tellement longtemps que je me demandais s’il nous la ferait ce soir là. Ce que j’aime dans ses sets, c’est son côté énergique avec des textes réfléchis sans être pour autant engagés. En fin de compte, tout est bien qui finit bien, Orelsan s’adresse aux Francofolies en disant « on a mis du temps, mais on a fini par s’entendre ».
Dimanche 14 juillet
______________________
Présent également en 2011, Lilly Wood & The Prick a fait son grand retour aux Francofolies pour cette édition 2013. Ce groupe, indéniablement une découverte des Francos a légitimement trouvé sa place sur la grande scène et n’a pas semblé impressionné. Non, les rôles ont été échangés. Ça a été nous qui avons été soufflés. Ce jeune duo accompagné de leurs musiciens dépose dans le creux de nos oreilles une énergie pop et éclectique et ces deux éléments font bonne recette. A noter qu’en concert, ils se transforment en bêtes de scène et deviennent plus rock, une empreinte bien marquée dans la voix de la chanteuse Nili Hadida et plus disco. Rajoutons-y un côté électro et le compte est bon. LW&TP a su démontrer au public que depuis sa création en 2006, il reste un groupe fiable et à écouter (et voir!) absolument en concert.
Chaque année, et c’est devenu un rituel, les Francofolies organisent « la fête à ». Et cette année, à l’occasion de son premier passage aux Francos, les organisateurs ont décidé de fêter Benjamin Biolay. Trois invités se sont succédé, dont Orelsan avec un duo sur Ne regrette rien qui regroupait ainsi différentes influences et tonalités musicales pour donner un mélange final intéressant. Mais aussi Jean Cherhal est arrivée rendre honneur à Biolay en chantant l’amoureuse sur Brandt Rhapsodie, une histoire d’amour entre un homme et une femme racontée par le biais de posts-it passablement accrochés à la porte du frigo. Et le troisième invité qui a suivi fut l’anglais Carl Barât (ex membre des Libertines) sur la chanson mi-anglaise/mi-française Pop’pea. Pour moi, c’est le seul duo qui a bougé. Benjamin Biolay est un bon chanteur en studio avec ses remarquables albums La Superbe ou bien Vengeance, et a réussi a faire fourmiller son public, à le faire trembler mais cependant pas assez à mon goût. Après tout, il faut remettre les éléments dans leur contexte: c’est un artiste de la chanson française qui écrit des textes, des superbes chansons, mais qui ne sont pas destinées à faire bouger son public comme des veaux. On ne peut pas tout avoir et on ne vas pas s’en plaindre. En quittant la scène il nous confie: « On dit souvent que la première fois ça ne s’oublie pas, je vous le confirme merci infiniment, infiniment, infiniment ».
Bon, ne soyons pas surpris par le show de Saez car il nous le montre trop de fois qu’il ne faut pas s’attendre à de la normalité avec lui. Il fait tout dans la différence, et agit comme lui il l’entend. Et une fois n’est pas coutume, il est resté lui même, que ce soit les Francofolies ou pas. Il s’agit probablement de sa première fois aux Francos aussi. Quand il est apparu après Biolay, après une pause anormalement longue, comme il sait nous faire languir, Damien Saez a pointé le bout de son nez. Question description, je l’ai trouvé incroyablement vieillit et grossit, sans parler du fait qu’il est arrivé en lunettes de soleil ray ban (qu’il a gardés jusqu’au moment où ses yeux se sont mis à suer). Bon, à part ça il nous a donné plus d’1h30 de concert, plus que de prévu apparemment « Ils viennent de me dire qu’il ne restait plus que quatre minutes. Franchement, qu’ils aillent se faire enculer. Si ça coupe, on continuera ailleurs » déclare t-il, cynique. Débauche, provocation et cynisme sont les mots qui nous viennent quand on le voit se produire sur scène. Et puis les chansons se sont succédées, toujours sans un mot à son public nous avons eu le droit à ses succès, Pilule et J’accuse et même d’un titre (Betty) de son avant dernier album Messina. Et voilà que pendant la chanson Ma petite couturière, avec des tonalités politiques et sociales, il nous adresse quelques mots (ce n’est qu’un euphémisme) de 10 minutes. 10 minutes de monologue visant le Ministère de la Culture « Il parait que le ministère est là… Comment ils appellent ça ? Ministère de la Culture ? C’est bon, le cynisme (…) Ah ça, pour faire copain copain avec les petits médias, ça parle.. J’ai envie de vomir », les musées, les médias qui financent tout un tas d’organisations juste pour leur interet commercial, le cinéma français, la France, l’industrie du disque, du 20e anniversaire de la mort de Léo Ferré, de cette France « de merde » qui le dégoute tant. Après ce long discours préparé avec soin pour ou contre la fête nationale française c’est selon, l’affaire a créé des réactions vives. Les personnes ne comprennent pas ce que Saez veut dire, ou pourquoi il le dit tout simplement. Et ça c’est justement le personnage, il faut le comprendre, ce n’est pas son public qu’il a critiqué ce soir là mais bien toute cette société qui le « dégoûte ». En dehors de toute cette accaparation sur son discours, si l’on ne voit que ses chansons, il a tout de même livré une bonne performance, alternant succès et titres récents. Personnellement j’en ressors déçue mais je suis prête à parier que les festivals ce n’est pas pour lui et qu’il le sait, il est sans doute beaucoup mieux lorsqu’il a la scène pour lui tout seul.
Qui dit 14 juillet, dit fête nationale. Qui dit fête nationale dit feu d’artifice. En attendant le groupe suivant et pour finir en apothéose le set de l’ami Saez, les artifices ont pétardé pendant le temps d’une grande pause. On dit merci aux organisateurs pour nous avoir permis de profiter à la fois du concert et du feu d’artifice !
Comment vous dire que vous passeriez à côté d’un pur bonheur en évitant d’aller voir Skip The Use ? A ma vue c’était le meilleur concert de la soirée. Ils assurent vraiment en show, et ils le démontrent qu’ils le sont multitâches. Reprise de AC/DC, Shaka Ponk, Motorhead… Ils aiment faire des reprises, ils avaient repris aussi une fois à un autre concert Smells like teen spirit de Nirvana, et c’était explosif comme à leur habitude. Lors d’une énième reprise rock, cette fois-ci de Manson: Sweet dreams ils ont accueilli leur invité, et ont continué la chanson en chœur avec Orelsan (décidément ancré sur la grande scène, après Biolay et STU). Skip The Use est une grosse claque en concert. Ils feraient même bouger les plus réticents. Rien qu’à voir les photos de l’après concert, on ne peut qu’arriver à la conclusion que le chanteur ne manque pas d’énergie, ni de sueur. Les moments d’humour ont fusé, après quelques blagues sur une danse que ne maitrise que trop bien le chanteur, à un moment bien avancé dans la soirée, Mat Bastard le leader s’est adressé aux tribunes VIP en leur demandant « ça va les riches ? ». Le chanteur a enchainé de suite avec leur titre Don’t want to be a star (de leur premier album) juste avant de déclarer modestement avec sa voix habituellement cassée (et on a du mal à comprendre comment il arrive à la garder tellement il se donne pendant les concerts): « On pensait ne pas être un groupe pour les Francofolies. Vous nous avez donné tort, et on est content d’avoir eu tort ». Nous n’avons, à notre grand bonheur, pas été épargnés leurs chansons cultes Cup of coffee ainsi que Ghost. Je suis ressortie vidée de leur concert, et il s’avère être un très bon choix de les mettre en fin de soirée. Comme ça, on est sûr de pas dormir de la nuit.