Arthur S et le Professeur Inlassable : petite leçon de « pop globale »

Pour ma toute première interview, je me suis rendu dans un ancien café–théâtre reconverti en studio, envahi par les CDs, vinyles et autres vestiges d’un lointain passé musical. J’avais rendez-vous avec Arthur S et le Professeur Inlassable afin de parler de leur nouvel album assez atypique : Drummers and Gunners.

Bonjour Arthur. Vous êtes musicien multi-instrumentaliste et vous sortez du Conservatoire National Supérieur de la Musique De Paris. Est-ce que vous pouvez continuer à vous présenter ?

Arthur S : J’ai toujours voulu faire ça depuis que je suis petit sans pouvoir expliquer pourquoi et j’ai commencé vers 4 ou 5 ans avec le violon. J’ai grandi dans une famille où l’on écoutait pas mal de musique mais pas non plus une famille de musiciens. J’ai pas spécialement un entourage musical. Plus des mélomanes.

Et quelle a été votre première expérience musicale professionnelle ?

 A : Je crois que je serai incapable de répondre à cette question ! (Rires). Ce serait sûrement au conservatoire, quand j’avais 12 ou 13 ans, dans l’orchestre qui s’était développé. On jouait dans des salles ou des églises dans Paris du coup c’est un peu mes premiers concerts  « officiels ».  Enfin, c’est mes premiers souvenirs de pression de concert avec un public qui n’est pas la famille.

Et concernant votre rencontre avec le Professeur Inlassable, vous l’avez faite via Bibi Tanga et les Sélénites ?

 A : Non je le connaissais avant. J’avais fait un stage quand je sortais du lycée dans son studio, là où on est actuellement. Je l’ai rencontré comme ça et puis on s’est vachement bien entendu et il y a eu l’aventure Sélénites ensemble. Mais ce qui est intéressant avec Jean (Professeur Inlassable) c’est son parcours qui est très différent du mien, c’est quelqu’un qui n’est pas du tout un théoricien mais complètement autodidacte en musique. Mais ça fait une espèce de complémentarité et au final il y a un truc qui se mixe vu qu’il y a des choses qu’il connaît très bien et moi pas du tout et inversement.

Bonjour Professeur. Comme je l’ai fait avec Arthur, est-ce que vous pouvez me parler de vous?

Professeur Inlassable : Je suis quelqu’un de très touche-à-tout, surtout sur le son. Ma mère est prof de piano et je viens à la musique à peu près à 13 ou 14 ans où j’apprends la batterie. En 77, j’ai 17 ans, c’est l’explosion de toute la musique dite progressive donc j’apprends à faire de la batterie à une époque où on peut ne pas savoir jouer de la batterie pour en jouer…. Ce qui m’a bien arrangé ! C’est à dire, c’était vraiment le 3/4 bien binaire, punk ! (Rires). Donc entre 70 et 80, j’ai gobé toutes les productions musicales de Brian Eno et tous ces producteurs qui avaient le sens de produire des choses un peu différentes, nouvelles. Puis après, j’arrive à Paris et j’atterris dans le monde de la pub où là j’apprends ce métier de réalisateur sonore. Mais parallèlement j’ai toujours produit de la musique, exploré mon territoire artistique. Ce que j’ai vraiment pu assumer au moment où j’ai eu mon studio à 35 balais ! A partir de là, je monte un label, L’Inlassable Disque, et je pouvais faire la musique que je voulais. Je sors mon premier album dessus puis je produis un artiste africain qui s’appelle Bibi Tanga avec lequel avec Arthur on a œuvré pendant 6 ans et 3 albums. Et donc là, nouveauté dans ma vie, moi qui étais plutôt un rat de studio, je pars sur l’expérience de la scène, que je découvre à 46 ans. C’est une expérience très tardive qui m’a fait vraiment poiler !

Dans votre album Drummers & Gunners, on retrouve plusieurs mélanges musicaux dont de l’électro, du hip-hop avec quelques touches de classique. D’où vous viennent toutes ces influences ?

 P : Moi j’ai toujours mélangé. Pour moi, la musique c’est au sens large, j’ai pas de genre particulier. C’est plus des matières. Un peu comme un cuisinier qui va prendre des ingrédients pour mélanger et faire son plat. Tu peux prendre un peu de cordes classiques, un peu de rythmiques électro… c’est vraiment une cuisine personnelle. Et dans la démarche de mon label, j’ai jamais voulu avoir une démarche commerciale en me disant (il commence à changer de ton pour prendre un air sournois) « Ok ! On va faire un album électro ! Et comme ça, ça sera dans la catégorie électro ! Dans un magasin de disques électro ! » Maintenant, la force de la musique c’est qu’elle peut se mélanger ! Tu peux même faire du rock avec un Pakistanais qui joue des tablas !

Comment est-ce que vous avez été amené à travailler ensemble sur cet album ? 

P : On se connaît depuis assez longtemps Arthur et moi, mais c’est venu après l’expérience Bibi Tanga et comme on fait de la musique ensemble tout le temps,  on s’est vite aperçu qu’on avait de quoi faire un album. C’est pas un projet qui s’inscrit dans le temps, c’est sur une durée de relation qu’on a.

Concernant les morceaux, à partir de quel moment vous vous dites «ça y est, on l’a terminé. On va pas travailler plus dessus » ?

 P : C’est justement ce truc de sculpture du son, de cuisine. Arthur est plus sur cet aspect technique du son que moi, du mixage, du rapport entre tous les instruments.

A : Après, il y a deux étapes: la première où tu créés et tu composes la musique et l’autre où tu fais le mixage, tu façonnes le son. Comme c’est un disque avec pas mal de samples, on fait pas mal d’aller-retour entre ces deux phases si un truc nous plait pas ou est mal imbriqué. C’est difficile de dire quand c’est fini donc à un moment il faut mettre un terme.

PROMO-ARTHUR-S-ET-LE-PROFESSEUR-INLASSABLE

Dernière question, cette fois-ci sur la pochette. Il y a un lien entre elle et l’affiche d’Apocalypse Now ? C’est une inspiration ?

 A : Ouais ! Même un peu plus qu’une inspiration ! Un clin d’œil ! Quand on a fait le disque on est resté dans un univers très cinématographique et du coup on s’était dit que chaque titre de morceau était un morceau de bande son d’un film différent. Au début on était parti sur faire une affiche de film pour chaque morceau et celle-là a été gardée pour l’album.

Personnellement, j’aime beaucoup le titre Blackgold. A quels films vous avez pensé quand vous l’avez réalisé ?

 A : Il y aurait genre deux films mélangés: un truc assez lent genre un slow des années 60 et un truc un peu plus rapide. Donc je dirai la partie lente ce serrait L’Ultime Razzia de Kubrick et pour la partie rapide, un truc plus speed genre un Blade ou un film comme ça.