Ce vendredi 22 novembre, je faisais partie des 2300 chanceux à avoir réussi à décrocher une place pour le soi-disant concert de l’année ou il fallait être, celui d’Arcade Fire… Pardon des Reflektors !
En effet, non content d’être le groupe indépendant le plus connu de la planète (ce qui est déjà un paradoxe en soi), Arcade Fire s’amuse à brouiller encore un peu plus les pistes, avec leur nouvelle tournée, en se faisant passer pour un nouveau groupe canadien, les Reflektors, surnom éponyme de leur dernier album sorti au mois d’octobre.
Retour très rapide sur l’histoire de ce groupe malheureusement encore trop méconnu du grand public français. Formation canadienne créé en 2000 par Win Butler et Régine Chassagne (chanteurs/leaders du groupe et couple à la ville) avec Richard Parry, Tim Kingsbury, William Butler, Sarah Neufeld et Jeremy Gara. 4 albums et 2 EP en 13 ans, un Grammy Award gagné pour The Suburbs, des concerts qui se remplissent en à peine 3 minutes, des disques de platine à ne plus savoir quoi en faire, le groupe pulvérise tout sur son passage. Funeral, leur premier album sorti en 2003, est reconnu par de nombreux critiques (et moi-même) comme LE meilleur album des années 2000… Le groupe compte parmi ses fans David Bowie (qui vient chanter les chœurs sur le dernier single du groupe), Bruce Springsteen, LCD Soundsystem, David Byrne et est capable de s’offrir Bono, James Franco ou encore Ben Stiller en guest-star pour un clip/live de 20 min à la télévision américaine mis en scène par Roman Coppola (difficile de faire plus branché) !
Leur style est assez inclassable, c’est du rock alternatif mixé aux mélodies haïtiennes (dues aux origines de la chanteuse), frôlant sans cesse le kitch et l’émotion, sachant être aussi funky que glam. Si parfois on pense à Bowie, Radiohead, Lou Reed, ou Depeche Mode… le groupe possède un son qui lui est propre, à la fois sale et clean comme une production de Brian Eno, baroque à la limite du psychédélique, l’écouter ce n’est pas forcément l’adopter mais ça vaut sacrément le détour.
Pour en revenir au concert, votre serviteur s’est pointé à 16h pour une ouverture à 18h30 et un début de concert programmé à 20h, voulant être bien placé car j’attendais ce concert depuis longtemps ! Miracle de novembre (autrement dit « vive les températures glaciales ») j’arrive dans les 20 premiers, l’attente va être longue mais nous savons au moins tous que nous serons bien placés.
Petite précision qui a son importance, Arcade Fire a décidé pour cette tournée de faire dans le délire complet, en demandant à son public de venir déguiser ou en tenue de soirée à leurs concerts pour avoir un esprit carnaval et festif.
Vers 17h, nous sommes déjà récompensés puisque Win Butler himself vient nous dire bonjour, nous souhaiter un bon concert et nous dire que les 150 premiers arrivés auront une surprise ! Tout de suite après arrivent 5 demoiselles faisant partie du staff, venant nous expliquer que dans la continuité du délire du groupe, les premiers arrivés vont être maquillés sur la base de 5 modèles différents allant de petits points multicolore sur la figure au gros trait noir sur tout le visage cachant les yeux.
Vers 19h (1er retard d’une longue série pour ce concert), nous commençons enfin à rentrer mais nous nous retrouvons encore bloqués dehors. Au moment où nous commençons sérieusement à désespérer d’entrer enfin au chaud, une limousine arrive devant la salle et de laquelle sort… des mariachis commençant à jouer un morceau puis les membres du groupes avec leurs fameuses têtes déformées en papier mâché venant faire un coucou aux fans. Après avoir dansé 5 minutes dehors, le groupe rentre et nous pouvons enfin nous ruer à l’intérieur. Mais là encore, grosse surprise, dans le sprint de 60m nous séparant de l’entrée à la scène, le groupe nous attend, les membres faisant des signes aux fans surpris, hésitant entre rester avec eux et assurer une place au premier rang, ce qui fout un joyeux bordel dans l’entrée.
Une fois les 150 premiers arrivés, les portes se referment, les autres attendront leur tour, notre surprise n’est pas encore arrivée ! Une demoiselle arrive alors sur scène avec un masque de chat sur la tête et tente de nous apprendre une chorégraphie sur We Exist pour un peu plus tard dans la soirée. L’ambiance est bon enfant, tout le monde se foire un peu car la choré est galère mais on s’amuse bien.
Le concert avait lieu au Pavillon Baltard, salle assez grande qui ressemble plutôt à un hangar qui a notamment servi pour les enregistrements télé des premières saisons de La Nouvelle Star. On constate tout de suite une boule à facettes, des cotillons, et des guirlandes de noël mises un peu partout sur les piliers de la salle.
Vers 19h30, arrive alors discrètement les membres du groupe, dans des accoutrements plus délires les uns que les autres et toujours avec leurs masques difformes en papier mâché. Sauf qu’ils n’arrivent pas sur scène mais dans le public (voilà la surprise), déambulant tranquillement entre les fans (on aura toujours un doute pour savoir si c’était vraiment eux ou des figurants, mais l’idée est tellement fun). Se prêtant au jeu, ils dansent avec les fans ou posent avec eux.
Les portes s’ouvrent alors et tout le monde peut enfin rentrer, mais le groupe reste et continue de se promener dans la fosse. Vers 20h ils repartent en backstage et le concert peut enfin commencer aux alentours de 20h20.
Et comme Arcade Fire n’est pas un groupe comme un autre, ils ne décident pas de rentrer sur scène (trop classique), au lieu de ça, Win monte l’escalier menant à la mezzanine et commence à reprendre acapella My Body Is A Cage présent sur le 2ème album du groupe Neon Bible. Puis il redescend, la musique démarre alors qu’il rejoint la scène, le rideau tombe et le groupe est révélé au grand complet entamant un It’s Never Over (Oh Orpheus) surpuissant de toute beauté.
En écoutant Arcade Fire, on se demande toujours un peu ce que ça va donner sur scène, leurs chansons pouvant être aussi bien des ballades intimistes que des hymnes rock flamboyants, le groupe ne faisant pas vraiment dans le tube de 3min programmé pour la radio mais dans les morceaux ultra construits dépassant fréquemment les 5min.
La réponse: c’est qu’ils balancent la sauce à grands renforts de sons et d’effets électroniques sur les voix et les instruments, toutefois adouci par l’usage des cordes et des deux musiciens haïtiens s’occupant des percussions, engagés exprès pour la tournée, donnant un arrière-goût de Caraïbes aux morceaux.
Les morceaux du dernier album s’enchainent rapidement, Flashbulb Eyes, You Already Know ou Here Comes The Night Time sont repris par des fans en folie qui ne demandent qu’à se lâcher, l’ambiance est à mi-chemin entre le concert rock et la boîte de nuit car ça danse beaucoup et on comprend mieux la volonté du groupe d’avoir voulu faire un « album dansant ».
L’ambiance est festive et effectivement, les déguisements variés allant de pairs avec les tenues du groupe contribuent à rendre cette soirée particulière.
Comme tous les membres du groupe sont multi instrumentalistes, ça bouge pas mal sur scène (faut dire qu’ils sont 10) et si Régine est un peu en retrait pendant le début du concert, Win se lâche complètement, virevoltant comme un fou, montant sur les amplis ou allant sur l’avant-scène au contact du public. Une corde de sa guitare électrique lâche ? Pas un problème, Win va finir le morceau en faisant glisser la guitare sur le rebord de la scène donnant des sons complètement délirants.
Si l’on peut relever un défaut pour cette soirée (en plus de l’organisation un peu foireuse), c’était du côté du son: l’acoustique n’est pas vraiment la qualité première de la salle et la musique assez électronique du soir saturait un peu trop les enceintes.
Mais cela ne viendra pas trop entacher ce concert ou le groupe confirmera qu' »Afterlife » sera probablement un futur hit en plus d’être une sublime chanson et que « Joan of Arc » est d’ores et déjà un hymne de stade ou le public martèle points levés le refrain !
Entre deux chansons, Win prend la parole pour nous remercier, en français, et s’excuse d’avoir encore du mal à le parler alors qu’il vit à Montréal mais promet de s’améliorer pour son prochain passage puisque son fils de 7 mois apprendra le français (du moins le québécois). Il présente aussi le groupe comme étant les Reflektors nous déclarant qu’ils étaient honorés de faire leur premier concert en France et en repassant à l’anglais de faire une parodie savoureuse de tous ces groupes américains venant en France déclarant avec une grande originalité des phrases comme: « Paris est la plus belle ville au monde », « j’adore les baguettes » (en français dans le texte), puis vire dans l’ironie la plus complète en précisant « j’adore le racisme en France » ou « votre Disney est un trésor national ». Le public est hilare, mission accomplie pour le groupe, ils peuvent désormais passer la 2ème vitesse.
Néanmoins, comme nous voyons les Reflektors (et non pas Arcade Fire), sur les 14 chansons du soir, seulement 5 ne seront pas issues du dernier album, dont une reprise incandescente de I’m So Bored With The USA des Clash.
Nous aurons droit aux magnifiques Haïti et Wake Up (conclusion magistrale) issu du 1er album du groupe ou les fans enflammés s’époumoneront sur les refrains même 1h après la fin du concert en attendant un RER que nous pensions ne jamais voir arriver !
Le public aura pu se trémousser aussi pendant le rappel sur Reflektor, tube de presque 8 minutes sur lequel la foule devient extatique.

La soirée s’achève rapidement (1h20 de concert à peu près), le groupe salue une fois puis s’en va, laissant le Pavillon Baltard se transformer en boîte de nuit pour les fêtards qui voudraient rester danser avec un DJ à la baguette et le bar ouvert.
Cette soirée fut donc mémorable, bien que trop courte, sentiment amplifié par le peu de chansons chantées aux vues de leur longueur. Arcade Fire se donne sur scène, en étant encore plus rock que sur leurs albums et confirme qu’ils sont très loin du star system et des règles préétablies dans le monde de la musique et du concert, n’en faisant qu’à leur tête.
En écoutant leurs albums on comprend parfaitement pourquoi autant de grands noms de la musique soient fan de ce groupe si particulier, ils le confirment en live livrant un concert comme j’en n’avais jamais vu auparavant laissant la foule acquise à leur cause plus d’une fois en transe.
Set list: My Body Is a Cage (acapella snippet on the way to the stage) / It’s Never Over (Oh Orpheus) / Neighborhood #3 (Power Out) / Flashbulb Eyes / Joan of Arc / You Already Know / We Exist / Afterlife (w/ ‘Porno’ acapella intro) / Sprawl II (Mountains Beyond Mountains) / Haïti / Normal Person / I’m So Bored With the U.S.A. (The Clash cover) / Here Comes the Night Time / Rappel: Reflektor / Wake Up