S’il fallait passer par l’enfer pour comprendre le sens de sa vie ? C’est peut-être à cette question occulte et pleine de mystère que le roman graphique Ahlam tente de répondre. Publié chez Le Potager Moderne, la première bande dessinée du nîmois Guillaume Penchinat nous plonge au bord d’une barque menée par Charon, prêt à nous divulguer l’envers du terrible monde moderne de l’enfer.
Guillaume – le protagoniste – jeune homme svelte et brun, est pris d’un terrible malaise, un manque qui le taraude, d’un profond sentiment de solitude. Il ne le sait pas encore mais cette sensation a une cause ancrée depuis le début de sa vie, avant même que sa tête ne découvre le monde des vivants. Une seule révélation de sa mère va lui redonner un sens à ses 24 ans de solitude et de questionnements sans réponse. Le roman ne se veut pas philosophique, ni même une élaboration de l’inconscient, des thèses freudiennes. Tout ce qu’il veut nous livrer est bien plus prestigieux, divertissant et artistique.
Les premières pages tracent la vie sans vie de Guillaume, paradant dans son appartement, à une heure où tous dorment paisiblement, où le jeune homme est perdu dans des milliards de questions orphelines de réponses salvatrices. Il erre. Se remplit par la nourriture, son seul remède à ce vide qui se dessinera finalement après la révélation de sa mère. Depuis sa conception, une autre vie était attachée à la sienne mais ne l’a pas suivi dans notre monde. Puis, guidé par l’inconscient ou par une force occulte, Guillaume entre dans ce bus qui va nulle part. Cela tombe bien, c’est l’endroit qu’il voulait emprunter. Il tombe sur un chien géant à trois têtes en tenue de basketteur. Cette bête extraordinaire se révèle être Cerbère, le terrible chien aux triples gueules, gardien de la porte des Enfers. Guillaume réussit à le dresser, non par la musique comme le veut le mythe mais par des ordres francs et droits. Cette première apparition est l’occasion de découvrir une vision moderne et originale du mythe de la traversé de la rivière du Styx, empruntant le récit de La Divine comédie de Dante ou encore le mythe d’Orphée. Charon, le « passeur » comme il aime à se nommer, est le nocher qui mène les morts vers l’ultime monde mais dans ce récit l’être merveilleux dépasse son rôle sans grande valeur pour faire face au mal qui s’abat sur le jeune visiteur. Une scène particulièrement sombre et haletante se dessine pour délivrer l’imagination bouleversante de Guillaume Penchinat en particulier quand son jeune personnage est coiffé d’une pyramide et se voit projeté parmi une rivière d’âmes damnées.
Il finit par rencontrer cette personne qu’il ne connait que depuis son dernier café avec sa mère mais cette première rencontre semble compromise. Il lui reste peu de temps pour comprendre ce que ce voyage en Enfer a à lui apprendre de sa vie, du message que l’être absent avait à lui remettre depuis 24 ans.
Défiant les limites du réel, voyageant dans l’autre monde, l’outretombe, Ahlam est un magnifique récit au goût mythologique, une légère comédie gréco-romaine à la sauce française, une narration homérique à la french cream perlée de noir et de blanc, une aventure animée par un Charon qui s’humanise et un Cerbère assez grandiose en survêt, il manquerait plus qu’il joue à la baballe.
Le Téléporteur du Pr.Schmitt… de Peb & Fox
A 100 reprises le pauvre professeur Schmitt tente de retourner dans son petit lit auprès de sa femme après avoir malencontreusement transformé sa lampe de poche en machine à remonter le temps. Disponible chez Le Potager Moderne, illustré par les deux compères Peb et Fox. Le Téléporteur du Pr.Schmitt n’est pas vraiment au point est un vrai bijou d’humour. Vous retrouverez cet inventeur perdu dans un sarcophage, dans le tableau Guernica de Picasso, rencontrera l’agent Mulder et Scully de la série X Files, tombera de la cheminée le soir de Noël devant les yeux médusés des enfants.